La fabrique de chaussons de danse Grishko
Aujourd'hui, j'ai visité la célèbre fabrique de chaussons de danse Grishko. Fournisseur officiel des danseurs du Bolchoï, leur savoir-faire s'exporte dans près de 60 pays.
Situé dans la banlieue proche de Moscou, l'usine semble aussi déserte et vétuste que le quartier. Tout y a l'air gris et délabré. On ne peut imaginer que presque 500 personnes travaillent tous les jours dans ces locaux.
Je passerai rapidement sur les conditions de travail qui ne sont pas tout à fait les mêmes qu'en France : pièces en sous-sol sans autre lumière que celle de néons (à part pour les couturiers), coin kitchenette (micro-onde, frigo) au milieu des machines et des odeurs de colles et de cuire...
Un peu d'histoire :
L'évolution de la technique de danse de ballet est directement liée à l'évolution des chaussons de danse. D'après les tableaux datant d'avant le XVIIIe siècle, les chaussons de danse ressemblent beaucoup aux chaussures de ville. Elles ont un talon de 30 à 40mm et sont soit blancs, soit de couleurs foncées. Au cours du XVIIIe, ces chaussures s'affinent et deviennent des sortes de sandales permettant de faire des 1/2 pointes. Avec l'arrivée du Romantisme, au XIXe siècle, et la volonté d'élever son esprit (et le corps), le chausson de danse se rigidifie pour permettre de faire des pointes. Pour alléger l'aspect visuel, il devient rose. On ne sait pas qui est la 1re danseuse à s'être hissée sur les pointes. Les historiens hésitent entre la russe, Alexandra Danilova et l'italienne, Marie Taglioni.
La fabrication :
Il faut une semaine entière pour fabriquer une paire de chaussons de danse, de la découpe du tissu au contrôle qualité.
La face visible du chausson est en satin rose ou chair. La société Grishko a créé sa propre teinte de rose qui est fabriqué en République Tchèque. En dessous, pour le confort du pied, il y a 2 couches de coton blanc. La semelle intérieure est en cuir ou en carton. La semelle extérieure est toujours en cuir de vache. Elle
peut faire 4mm d'épaisseur si elle est cousue à la main ou 1,6mm si elle est cousu à la machine. Ce détail de fabrication n'influe pas sur le prix et bizarrement, coudre les semelles à la machine coûte plus cher à l'entreprise puisque ça demande un ouvrier en plus.
La pointe est une superposition de morceaux de toile jute encollé entre eux avec de la colle à base de farine.
Une fois que toutes les pièces sont assemblées, on vérifie l'ajustement du chausson grâce à un moule. Le chausson doit tenir en équilibre sur la pointe tout seul.
Il sèche ensuite durant 24 heures dans un four à 60°C puis encore 24 heures dans une pièce fermée. Le chausson passe ensuite au contrôle qualité où l'aspect général, la rigidité, l'équilibre sont vérifiés. En cas de défaut, les contrôleuses peuvent retrouver l'ouvrier ayanr effectué la dernière étape du chausson, la pointe, car il inscrit son matricule et la date de fabrication à l'intérieur du chausson. Une amende particulière correspond à chaque type de défaut. Cela permet également aux danseurs de passer commande au même ouvrier en cas de satisfaction. Les danseurs étoiles ont même le moulage de leur pied dans l'usine pour un chausson personnalisé.
Au détour des couloirs, nous avons été surprises de croiser des gamelles pleine de croquettes pour chat ainsi que des grattoirs. L'explication est toute bête. La colle utilisée est fabriquée sur place et elle est à base de farine. Pour éviter les invasions de rats et de souris, les chats sont chouchoutés chez Grishko.
A la fin de la visite, on nous a offert une paire de chaussons à chacune !
Nous avons eu une grande chance de pouvoir visiter cette fabrique car c'était sûrement la dernière possibilité de le faire. Les établissement Grishko seront délocalisés en République de Macédoine dans l'année...